Les soeurs Deblois - Tome 4 : Le Demi-Frère

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Les soeurs Deblois

Tome 4
Le Demi-Frère

Au moment où nous retrouvons les membres de la famille Deblois, Raymond et Anne tentent tant bien que mal de se remettre des conséquences du retour à Montréal imposé par Blanche.

Anne traversera alors une période critique de sa vie, confrontée à un quotidien chargé d'incertitudes. Pourra-t-elle enfin s'adonner à la musique comme elle en rêve depuis toujours ?

Émilie, quant à elle, n'a pas abandonné le rêve d'avoir des enfants avec Marc. Mais la peur d'être à nouveau blessée continuera-t-elle de guider ses pensées?

Quant à la longue quête de Charlotte, celle du bonheur pour sa petite Alicia comme pour elle, connaîtra-t-elle enfin son dénouement ?

À travers toutes ces intrigues, il y aura Jason. Chacune des trois soeurs Deblois apprendra enfin quel lien l'unit véritablement au fils d'Antoinette.

Le demi-frère met un terme à cette histoire familiale apportant enfin une lueur d'espoir à tous et chacun des membres de cette famille. De Blanche à Anne, chacune des femmes de la famille Deblois trouvera les moyens pour enfin réussir à se fabriquer un bonheur à sa mesure.

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Extrait du livre
Le Demi-Frère

Après un court silence, Jason tendit la main devant lui, espérant qu'Anne la prendrait. Mais elle ne bougea pas. Alors il la laissa retomber. Il fallait tout lui dire, là, maintenant, pour qu'elle comprenne à son tour. Ce n'était pas comme ça qu'il aurait voulu le faire. Mais avait-il le choix ? Il inspira profondément.

--Je t'aime Anne. Je t'aime beaucoup. Tu ne dois pas en douter. Mais jamais je ne pourrai t'aimer d'amour.

--Mais pourquoi ?

Jason ferma les yeux une fraction de seconde.

--Parce que je suis ton frère, avoua-t-il dans un souffle.

Jason avait à peine fini de parler qu'Anne s'était mise à reculer. Lentement, un pas après l'autre, ses pieds s'enfonçant dans le sable qui avait gardé une portion de chaleur sous la surface rafraîchie. Ses yeux étaient exorbités comme si elle avait contemplé une vision d'horreur.

Elle ne le croyait pas. Jason avait menti pour s'en sortir parce qu'il regrettait la lettre. C'était impossible, ils avaient le même âge ! À cette époque, Raymond vivait avec Blanche et leurs trois filles.

Tout en reculant, Anne continuait de fixer Jason. Et s'il avait dit la vérité ? Pourquoi mentir sur un tel sujet ? Il n'avait aucune raison d'inventer une telle fable. Cela aurait été ridicule.

La ressemblance entre Jason et son père lui sauta aux yeux et la rancoeur changea de cible pour atteindre Raymond de plein fouet. Par son silence, c'était son père qui avait menti.

Et depuis toujours, Blanche n'avait dit que la vérité. Anne n'avait jamais été voulue. Elle était un accident. Et les autres, tous les autres étaient les complices de ce gâchis.

En quelques mots, l'univers d'Anne était foudroyé, réduit en cendres. À qui pourrait-elle faire confiance, maintenant ? Qui pourrait l'aider ?

Elle ferma les yeux, étourdie. Quand elle les rouvrit, Jason avançait vers elle. Anne tendit les mains dans un geste de défense.

--Ne m'approche pas ! Surtout ne m'approche pas !

--Il faut parler, Anne. Laisse-moi t'expliquer. Moi aussi, quand j'ai...

--Je ne veux rien entendre.

Anne avait crié en se bouchant les oreilles. Jason n'avait rien à expliquer. La vérité, elle était là. Nue, froide, implacable. Le peu de famille qu'elle avait n'était qu'une farce. Jason était son frère mais elle ne voulait pas de frère. Elle avait deux soeurs et cela n'avait pas changé grand-chose. Elle était quand même malheureuse. C'est un ami, un amour qu'elle voulait avoir.

--Va-t-en ! cria-t-elle encore. Laisse-moi tranquille. Je n'ai besoin de personne, m'entends-tu ? De personne. Je vais m'en aller. Je n'ai plus rien à faire ici. Non, n'approche pas. Surtout n'approche pas.

Anne criait toujours. Jason cessa d'avancer. À ses côtés, le chien grognait. Il n'avait pas été habitué à entendre crier avec colère. Jason l'attrapa par le collier.

--D'accord, je ne bouge plus. Mais toi, reste ici, Anne. Je ramène le chien à la maison et je reviens. On va parler, tous les deux. Tu vas voir, on peut être heureux ensemble, toi et moi. Ça ne sera pas pareil mais ça va être bien quand même. Comme avant. Comme l'été dernier. Tu m'attends, n'est-ce pas ?

Anne ne répondit rien. Sa colère était tombée. Il ne lui restait qu'une immense lassitude. Elle voulait dormir pour tout oublier, le temps d'un sommeil. Alors, elle fit un geste de la main qui pouvait passer pour un assentiment. Un geste qui montrait la mer et le ciel avant de retomber mollement contre la cuisse. Jason esquissa un sourire soulagé.

--D'accord, je reviens. Assis-toi, ça ne sera pas long.

Puis il tourna les talons et siffla pour que Browny le suive. Le chien gronda sourdement une dernière fois en direction d'Anne puis se décida à obéir.

Anne le regarda rejoindre Jason, le coeur dans l'eau. Même Browny ne la reconnaissait plus.

Les ténèbres étaient tombées et elles avalèrent Jason et Browny très rapidement. Puis le fracas des vagues enterra le son de leur course sur le sable. Anne fit demi-tour et s'enfonça à son tour dans la nuit noire et sans lune. Elle regagna le petit chalet et reprit sa valise.

Elle regarda autour d'elle en soupirant.

L'hésitation fut de courte durée.

Approchant de la maison, elle se pencha et défonça une fenêtre du sous-sol. Tout ce qu'elle voulait, c'était un endroit à l'abri pour dormir. Demain, elle déciderait de ce qu'elle allait faire. Demain, quand le sommeil aurait déposé un peu de distance sur sa vie.

Dans la grande salle qui tenait lieu de salon et de cuisine, Anne trouva un vieux canapé. Elle s'y étendit, enroulée dans une couverture.

Ce fut au moment où elle allait s'endormir qu'elle pensa à Blanche. Blanche qui devait s'être aperçue de sa fugue. Blanche qu'elle aurait dû appeler en arrivant chez Antoinette. Blanche qui la menaçait du couvent. Blanche qui la traitait d'insignifiante. Blanche qui planait comme une ombre sur sa vie.

Blanche qui avait été la seule à ne pas lui mentir.

Anne s'endormit tout d'un coup.